0:00 → 0:34
(Musique)
0:34 → 0:38
Le poing et la ligne, la romance mathématique.
0:38 → 1:14
(Musique)
1:14 → 1:18
Il était une fois, une ligne droite très sentimentale
1:18 → 1:22
et qui était follement amoureuse d'un poing.
1:22 → 1:26
(Musique)
1:26 → 1:32
Vous êtes le commencement et la fin, le centre, le corps et la quintessence.
1:32 → 1:36
Mais elle tendrement mais en réalité, le poing ne s'intéressait pas à elle.
1:36 → 1:40
Lui, il n'avait d'yeux que pour une main sauvage et farfelue
1:40 → 1:44
qui paraissait terriblement être dans l'air et voilà.
1:44 → 1:48
(Musique)
1:48 → 1:52
Ils allaient partout ensemble.
1:52 → 1:58
Ils chantaient, ils dansaient, ils plaisantaient, ils riaient, ils faisaient encore Dieu sait quoi.
1:58 → 2:02
Elle s'y guait, si libre, criait-il à qui voulait l'entendre.
2:02 → 2:06
Et vous vous êtes droite, raide comme un piquet, triste, désespérément conventionnelle.
2:06 → 2:14
Nouée, tressée, soumise, étouffante, chupacante, aplatie, écrasée et apaisée.
2:14 → 2:20
(Musique)
2:20 → 2:24
"Pourquoi courir des risques ?" dit la ligne sans être de conviction.
2:24 → 2:30
"Je suis digne de confiance, raisonnable, réfléchie et je sais où je vais.
2:30 → 2:36
J'ai une certaine dignité."
2:36 → 2:40
Mais c'était une mince consolation pour la malheureuse ligne.
2:40 → 2:44
Elle devenait de jour en jour davantage morose.
2:44 → 2:50
Elle ne dormait plus, elle ne mangeait plus, elle ne savait plus très bien où elle en était.
2:50 → 2:56
Ses amis commençaient à s'inquiéter et remarquer sa minceur, cherchant à lui redonner le moral.
2:56 → 3:00
"C'est vraiment pas un point pour toi.
3:00 → 3:04
Tu ferais bien de trouver quelqu'un qui soit comme toi et de te ranger."
3:04 → 3:08
Mais elle n'écoutait pas trop ce qu'on lui disait.
3:08 → 3:14
Pour elle, il représentait la perfection.
3:14 → 3:18
(Musique)
3:18 → 3:22
Elle voyait en lui des choses que nul ne pouvait imaginer.
3:22 → 3:28
"Il est plus beau que toutes les formes mathématiques que j'ai pu voir jusqu'ici."
3:28 → 3:34
Mais le fait de révéler ses sentiments n'arrangeait pas les choses.
3:34 → 3:36
Au contraire.
3:36 → 3:42
Alors, elle laissa son imagination vagabonder sans retenue.
3:42 → 3:46
Elle se donnait le beau rôle.
3:46 → 3:50
"La ligne véritable trompe-la-mort."
3:50 → 3:54
(Musique)
3:54 → 3:56
"La ligne en vedette dans le monde des affaires."
3:56 → 4:00
(Musique)
4:00 → 4:04
"La ligne impitoyable représentante de la justice."
4:04 → 4:06
(Musique)
4:06 → 4:10
"La ligne indispensable au monde artistique."
4:10 → 4:14
(Musique)
4:14 → 4:18
"La ligne omniprésente dans le sport international."
4:18 → 4:22
(Musique)
4:22 → 4:26
Mais elle n'enchaînait que déception sur déception.
4:26 → 4:30
Elle décida qu'il fallait peut-être montrer moins de rigueur.
4:30 → 4:36
"Il faut que j'apprenne à me libérer."
4:36 → 4:40
"A laisser exploser la passion que je retiens au fond de moi."
4:40 → 4:44
(Musique)
4:44 → 4:46
Mais cela ne fit aucune différence.
4:46 → 4:48
Elle avait donc tout essayé.
4:48 → 4:52
Cela finissait toujours de la même façon.
4:52 → 4:58
Et pourtant, elle continuait sans relâche.
4:58 → 5:04
Malgré ça, elle avait découvert qu'en faisant preuve d'un certain contrôle,
5:04 → 5:08
elle était capable de changer de direction et de s'incliner du côté qu'elle choisissait.
5:08 → 5:12
Alors elle s'amusa et elle fit un ongle.
5:12 → 5:16
(Musique)
5:16 → 5:18
Puis un autre, et encore un ongle.
5:18 → 5:24
Et puis encore un ongle, et puis un ongle, et puis un ongle, et puis un ongle, et puis un ongle, et puis un ongle.
5:24 → 5:26
"Superbe."
5:26 → 5:30
Elle était fascinée par toutes ces merveilles dont elle était capable.
5:30 → 5:34
Elle adorait faire ses courbes et ses angles.
5:34 → 5:38
(Musique)
5:38 → 5:42
C'était extraordinaire, c'est de liberté.
5:42 → 5:44
(Musique)
5:44 → 5:52
Mais à la réflexion, elle décida de ne pas dilapider ses dents dans un exhibitionniste de mauvais goût.
5:52 → 5:56
Pendant des mois, elle s'entraîna en secret.
5:56 → 6:02
Bientôt, elle fut capable de faire des carrés, des triangles, des hexagones, des parallélogrammes,
6:02 → 6:12
des gondoïdes, des polyrhèbres, du quadrilatère sur réduit, des parallélipipèdes, des décagones, des tétragrammes, ouf,
6:12 → 6:18
et une infinité de figures si complexes qu'elle était obligée de numéroter ses côtés pour pouvoir retrouver leur place originale.
6:18 → 6:28
Elle fut rapidement capable de faire des ellipses, des cercles, et des figures complexes, pour exprimer ce qu'elle ressentait.
6:28 → 6:32
(Musique)
6:32 → 6:36
"Dites-moi ce que vous voulez, aucun problème."
6:36 → 6:42
Mais toutes ces prouesses ne servaient à rien, et elle repartit à la recherche du point.
6:42 → 6:46
(Musique)
6:46 → 6:48
"Oh, c'est grotesque."
6:48 → 6:50
Lui dit l'autre ligne.
6:50 → 6:52
"Tu n'as aucune chance."
6:52 → 6:56
(Musique)
6:56 → 7:04
Mais notre amie faisait confiance à son amour, et elle ne désespérait pas, bien au contraire.
7:04 → 7:20
(Musique)
7:20 → 7:22
Elle était versatile,
7:22 → 7:26
(Musique)
7:26 → 7:28
érudite,
7:28 → 7:30
(Musique)
7:30 → 7:32
éloquente,
7:32 → 7:36
(Musique)
7:36 → 7:38
profonde,
7:38 → 7:40
(Musique)
7:40 → 7:42
énigmatique,
7:42 → 7:44
(Musique)
7:44 → 7:46
complexe,
7:46 → 7:48
(Musique)
7:48 → 7:50
et assistante.
7:50 → 7:54
(Musique)
7:54 → 7:56
Le point était abasourdi.
7:56 → 7:58
Il riait comme un gamin.
7:58 → 8:02
(Rire)
8:02 → 8:06
L'autre ligne, l'abonnage, était prise de crampe.
8:06 → 8:10
(Musique)
8:10 → 8:12
"C'est tout ce que je peux faire."
8:12 → 8:18
(Musique)
8:18 → 8:22
Finalement, nul ne sait comment ce genre de liaison peut évoluer.
8:22 → 8:24
(Musique)
8:24 → 8:28
"C'est vrai, je ne sais jamais ce que je peux donner."
8:28 → 8:30
"Vous connaissez celle de la virgule et du trémor ?"
8:30 → 8:34
(Musique)
8:34 → 8:40
Le point se demandait pourquoi il n'avait jamais remarqué qu'elle était un peu commune, gauche et maladroite,
8:40 → 8:44
qu'elle était pleine de poils, et qu'elle se grattait l'oreille.
8:44 → 8:52
Il comprit tout à coup que ce qu'il prenait pour liberté et gaieté n'était qu'anarchie et confusion.
8:52 → 8:56
"Tu es aussi insouciante qu'un graffiti."
8:56 → 9:02
"Tu es indisciplinée, distraite, insignifiante, sans forme, sans saveur."
9:02 → 9:06
"Et finalement, tu n'intéresses absolument personne."
9:06 → 9:08
(Musique)
9:08 → 9:12
Et sur ces mots, il se retourna et joignit le point à la lèvre.
9:12 → 9:16
"Voulez-vous bien me faire la figure avec toutes ces drôles de courbes, s'il vous plaît ?"
9:16 → 9:18
Et c'est ce qu'elle fit.
9:18 → 9:20
(Musique)
9:20 → 9:24
Et après, ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petites figures géométriques.
9:24 → 9:38
(Musique)
9:38 → 9:40
[Musique]